Je lisais récemment un article de l’Actualité du 1er décembre 2011 qui parlait de «La révolution du sur mesure». Le sous titre: «Face au cancer ou au diabète, cet enfant sera mieux armé que ses parents, promettent les chercheurs. Il aura des médicaments adaptés à ses gènes!» La journaliste enquête pour savoir si c’est de la poudre aux yeux ou une véritable avancée scientifique?
On nous laisse croire que la médecine du futur passe par là! Qu’on pourra prédire nos faiblesses (risques de maladies) et prédire nos réponses à des médicaments. On pourrait, grâce à la connaissance de notre code génétique, profiter d’une meilleure santé grâce à une meilleure utilisation des médicaments… On pourrait même faire sauver de l’argent à l’État en ayant des médicaments plus ciblés; en utilisant tout de suite et sans détour le «meilleur» produit pour vous.
Qu’en pensez-vous? Est-ce que l’utilisation de médicaments amène la santé? Est-ce qu’on a mal à la tête parce qu’on manque de Tylenol dans le sang? Est- ce que notre corps est fait pour toute cette soupe chimique? Je crois encore que la plupart du temps, le meilleur médicament c’est pas de médicament.
Pour ce qui est de faire économiser de l’argent à l’État je n’y croit pas du tout. Les produits pharmaceutiques ont un taux d’inflation qui bat tous les indices boursiers et qui est à l’abri des crises économiques. En ce moment, la part du budget de l’État qui s’engouffre dans les soins de maladie est de près de 50%. Avec le vieillissement de la population, celle-ci pourrait passer à 60%, 70% et plus. Il faut alors se demander si l’État pourra encore assumer cette facture ou bien si elle nous sera refilée. Et en attendant, est-ce que l’État oriente la recherche vers des solutions économiquement viables?
Ce que faisait remarquer le président du Consortium International de génomique du cancer en février 2011 dans le magazine Science, c’est que «les compagnies ont tenté de tirer profit des données connues actuellement en génomique, sans en connaître encore la complexité. Le bilan: bien des biomarqueurs fournissent des résultats trompeurs, repèrent des maladies là où il n’y en a pas ou orientent les médecins vers des traitements qui fonctionnent peu ou pas.»
Et les médicaments qui fonctionnent ne font souvent que prolonger la vie du patient à un stade avancé de cancer pendant quelques mois. De plus, ils sont très chers. Le dernier en lice, le Zelboraf coûte 9400$ par mois. Avant l’arrivée de ces produits spécifiques, le coût moyen du traitement contre le cancer au Canada est de 65000$. Quel sera-t-il après l’arrivée de ces médicaments supposés nous faire économiser?
Et est-ce que la solution est VRAIMENT dans la génétique? Notre code génétique est comme un livre de recettes. Il y a plein de pages (de gènes) dans ce livre qui ne serviront pas, des recettes (des maladies) qui ne nous intéressent pas. Si vous achetez de l’huile à friture, des pommes de terre, du sel et du glutamate monosodique, il est clair que vous n’êtes pas en train de préparer une salade santé. On pourrait dire que ce sont les gènes (la page du livre de recette) des maladies cardiaques qui causent la maladie mais si les seuls ingrédients qu’on achète sont ceux-là, le résultat est en conséquence. Les gènes de cette recette vont s’exprimer et on aura un plat de mauvais goût.
Les recherches les plus intéressantes en ce moment parlent plutôt d’épigénétique. Si la génétique est le livre livre, l’épigénétique en est la lecture qu’on en fait. Selon divers facteurs (environnementaux, psychologie, consommation de médicaments, alimentation, niveau d’activité physique…), les lecteurs d’un même livre n’en auront pas la même interprétation ou ne ressentirons pas les mêmes émotions; ne produiront pas exactement les mêmes plats, les mêmes maladies ou les mêmes traits physiques. C’est là qu’on a le plus de pouvoir d’agir individuellement et économiquement.
On est tous humains et on a tous pas mal le même livre de recette. Est-ce que vos habitudes de vie (alimentation, exercices, pensées) permettent à votre livre d’exprimer épigénétiquement de la santé ou bien de la maladie? Pour le même prix qu’un mois de Zelboraf, vous pouvez vous abonner au gym pour 20 ans (je crois même que si vous offrez 9400$ à votre gym, il va vous proclamer membre à vie!). Et vous savez, le plus beau dans tout ça c’est que l’activité physique et une bonne alimentation peuvent prévenir bien des cancers, des maladies cardiovasculaires, des dépressions et des diabètes (domaines dans lesquels on tente de nous vendre les bienfaits de cette «révolution»)! Alors, croyez-vous assez en votre pouvoir sur votre santé pour y consacrer temps et efforts?